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09/09/2010

Assemblée Nationale - Travaux en séance - Amendement n° 166 rectifié présenté par M. Bayrou et débat

Amendement n° 166 rectifié présenté par M. Bayrou.

Après l'article 1er, insérer l'article suivant : 

Avant le 31 décembre 2011, le Gouvernement présente au Parlement un rapport envisageant les principes, les modalités et les conditions d’une mutation des régimes actuels d’assurance vieillesse en un régime unique par points ou par comptes notionnels, qui permette à chaque assuré de décider librement de son âge de départ à la retraite.

Ce régime doit être fondé sur le principe de répartition et géré, après sa création, par les partenaires sociaux.

Ce rapport est rendu public.

*

ASSEMB~2.jpgM. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 53, 166 rectifié, 705 et 492, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Daniel Garrigue, pour soutenir l’amendement n° 53.

M. Daniel Garrigue. L’objet essentiel de ce projet de loi est de sauvegarder le système de retraite par répartition…

M. Patrick Braouezec. En apparence !

M. Daniel Garrigue. …auquel les Français sont profondément attachés. Mais nos concitoyens expriment aussi le souhait d’une plus grande égalité en matière de retraite et d’une plus grande liberté dans la conduite de leur activité professionnelle. On sait que, dans certains pays voisins, notamment en Europe du Nord, se sont développés des systèmes de retraite par points et par comptes notionnels qui permettent peut-être de répondre plus facilement à ces attentes.

M. Roland Muzeau. Ah non !

M. Daniel Garrigue. Le Conseil d’orientation des retraites a présenté, au mois de janvier, un rapport qui a en partie défriché la question, faisant ressortir tout l’intérêt de ces formules. Nous souhaiterions que l’on aille bien au-delà du rapport présenté par le Conseil d’orientation des retraites et que l’on étudie de manière approfondie les conditions dans lesquelles on pourrait adapter nos régimes de retraite, les contraintes techniques et financières de cette évolution, ses exigences et ses conséquences.

La commission des affaires sociales n’a pas souhaité reprendre cet amendement, qui avait été adopté par la commission des finances, laquelle a pourtant quelque légitimité à souhaiter que cette étude soit poursuivie sur le plan technique et financier.

M. le président. La parole est à M. François Bayrou, pour défendre l’amendement n° 166 rectifié.

M. François Bayrou. Tous ces amendements ont un même objet : faire en sorte que l’Assemblée nationale dégage un horizon et choisisse un marqueur pour l’évolution ultérieure de nos régimes de retraite. On l’a souvent rappelé depuis le début de cette discussion, nous sommes plusieurs à avoir vécu la réforme de 1993 et celle de 2003. Nous débattons aujourd’hui de celle de 2010. Ces réformes ont un point commun. En dépit des débats passionnés qu’elles ont suscités, aucune n’a été, aucune ne sera suffisante. Le texte que nous examinons aujourd’hui a beau assurer que l’équilibre sera atteint en 2018, je suis prêt à prendre le pari – le compte rendu en fera foi – qu’il n’y aura pas d’équilibre en 2018, car, pour l’instant, la réforme n’a pas les financements nécessaires.

Nous sommes plusieurs à défendre, depuis longtemps – pour ma part depuis le début des années 2000, lors de la campagne présidentielle de 2002, avant même celle de 2007 –, une proposition visant à faire évoluer nos régimes de retraite, si éclatés et déséquilibrés, vers un régime unique. Je constate que cette idée d’un régime de retraite universel qui, au début, était très minoritaire – Jean-Luc Préel ne dira pas le contraire –, est de plus en plus soutenue : elle l’est, par exemple, par la CFDT, par diverses personnalités au sein de l’UMP, par diverses personnalités au sein du PS. Thomas Piketty, en particulier, a dit sur le sujet des choses que je trouve très justes. Le ministre lui-même a déclaré ici que c’était la seule solution pour l’avenir. Cette idée qui est de plus en plus fédératrice mérite d’être retenue par la représentation nationale pour devenir un objectif de l’action publique.

J’ajoute – et Daniel Garrigue vient de le dire – que c’est la seule manière de permettre à chaque salarié, à chaque travailleur indépendant, à chaque agent de la fonction publique de prendre en mains son destin professionnel et son destin de retraite par une retraite à la carte. Ce régime unique, individualisé, qui offrirait à tous les salariés une information en temps réel, ce régime par points ou par comptes notionnels – je ne veux pas m’attarder sur les nuances entre les deux systèmes, mais les spécialistes les connaissent bien – serait géré par les partenaires sociaux, comme cela s’est fait dans un certain nombre de pays scandinaves ou latins, après un temps de latence à définir – dix ans en Suède, trente-sept ans en Italie, on peut imaginer entre les deux toute une gamme d’interventions possibles.

Si la représentation nationale retenait cette idée, si nous nous fixions un horizon pour mettre enfin en place un système durablement équilibré et souple, adapté à chacun des salariés ou des travailleurs, nous pourrions enfin sortir de ce perpétuel recommencement, qui fait que les réformes ne suffisent jamais et ne correspondent pas à la volonté de souplesse des Français.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour défendre les amendements nos 705 et 492.

M. Jean-Luc Préel. Je ne voudrais pas trop vous lasser, car j’ai déjà eu l’occasion, à plusieurs reprises, de parler de ces deux amendements. Après avoir reproché au Gouvernement de faire des rapports, voilà que nous lui en demandons. Vous savez que c’est, pour les parlementaires, une façon de contourner l’article 40. Il s’agit d’une idée qui avance doucement. François Bayrou vient de le rappeler, je l’ai défendue depuis longtemps, d’abord au nom de l’UDF. Au moment de la réforme Balladur et de la réforme Fillon, c’était une proposition essentielle. Je constate cependant qu’elle évolue, notamment avec les comptes notionnels, qui introduisent un élément nouveau.

Monsieur le ministre, nous en avons parlé à plusieurs reprises et je vous ai entendu tout à l’heure : si j’ai bien compris, vous n’êtes pas opposé au principe d’un régime unique, sachant que cela permettrait de résoudre une grande partie des problèmes. Je regrette bien entendu que cela ne soit pas l’objet de cette réforme, qui se veut pourtant importante, voire définitive.

Nous avons examiné, ce matin et cet après-midi, deux amendements de Xavier Bertrand et d’Arnaud Robinet, responsables du dossier des retraites à l’UMP : ils prouvent que, au niveau national, l’UMP est favorable à une évolution vers le régime par points ou par comptes notionnels. Daniel Garrigue vient de présenter le même principe, soutenu par des personnalités telles que MM. Grand ou Goulard, ce qui semble correspondre à un courant de l’UMP – si « courant » est bien le mot qui convient en l’espèce. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Roland Muzeau. Il y a le courant Copé et le courant Bertrand !

Mme Catherine Coutelle. Un régime de retraite par courant !

M. Jean-Luc Préel. C’est donc une idée qui avance et progresse. Dans quelque temps, peut-être, nous y arriverons.

Pourquoi aller vers un régime unique ? Il s’agit, bien entendu, d’une question d’équité. Nous avons aujourd’hui 30 000 régimes de base ou complémentaires, avec des taux de cotisation variables, des niveaux de prestations différents, une prise en compte de six mois ou de vingt-cinq années. Ce serait une véritable évolution que d’aller vers l’équité.

Par rapport à un simple régime par points, les comptes notionnels ont l’avantage de prendre en compte la durée de vie estimée. C’est donc une façon comme une autre de répondre, au moins partiellement, au problème de la pénibilité.

Mais il est un autre élément auquel, au nom du Nouveau Centre, je suis très attaché : ce régime unique doit être géré par les partenaires sociaux. Ceux-ci gèrent déjà l’UNEDIC et les régimes complémentaires, et ils ont montré qu’ils savent être responsables. Puisque la retraite est liée au travail, avec des cotisations salariales et patronales, je souhaiterais que les partenaires sociaux gèrent réellement ce régime unique.

Enfin, je voudrais faire une remarque qui n’a pas de rapport direct avec ce qui précède : tout le monde ici dit que nous sommes très attachés à la retraite par répartition, système dans lequel les actifs paient pour les retraités. Cependant, je sens une évolution vers la fiscalité, avec des impôts et des taxes affectées à la retraite. C’est aller vers l’étatisation…

M. Christian Paul. Voyons !

M. Jean-Luc Préel. …et ce n’est plus la retraite par répartition. Puisse chacun d’entre nous en prendre conscience.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Denis Jacquat, rapporteur. La CMP du projet de loi de financement de la sécurité sociale 2009 a demandé au Comité d’orientation des retraites un rapport qui indique que, dans le cadre d’une réforme systémique, les effets apparaissent entre le temps de la mise et place et dix à quinze ans. Or notre problème aujourd’hui, c’est le financement de notre système de retraite par répartition. C’est une question de court terme. Nous devons donc faire une réforme paramétrique, et non systémique. Il est vrai – nous en avons longuement parlé aujourd’hui et précédemment – qu’une réforme systémique entraînerait une simplification dans la compréhension des systèmes de retraite. Certains considèrent que cela permettrait un réel rapprochement entre les Français. Toutefois, aujourd’hui, l’objectif premier de la réforme, c’est le financement. La commission a donc donné un avis défavorable à ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Le sujet est évidemment très complexe, très difficile. Le Gouvernement et moi-même partageons l’opinion selon laquelle il faut continuer à y réfléchir. Ne pas le faire serait d’ailleurs une erreur. D’autres systèmes existent, dans d’autres pays, dont les identités, les cultures et les habitudes sociales respectives ont justifié des adaptations.

Il faut donc évidemment continuer à y réfléchir, et je sais, monsieur Préel, que vous défendez cette idée depuis longtemps. Au contraire d’un système caractérisé par trente-huit caisses, un régime universel dans lequel tous les salariés, indépendants, paysans et professions libérales seraient soumis à des règles communes serait évidemment plus simple.

Le Gouvernement partage d’ailleurs ce souci de convergence. Il a ainsi inscrit de la convergence çà et là dans le projet de loi : entre public et privé, entre régimes.

Cependant, ce texte répond à un besoin urgent de réforme d’un régime dont, à cause de la crise, les déficits ont pris vingt ans d’avance en termes de pourcentage du PIB. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai parlé de la crise ce matin ; il n’y a pas de nouveauté dans mon propos et cela figure même dans l’exposé des motifs de la loi. Il fallait agir, dans le cadre du système qui est aujourd’hui le nôtre, en modifiant son fonctionnement, en l’améliorant, en protégeant les retraites à venir des Français.

On doit évidemment continuer à réfléchir, et le Gouvernement ne ferme pas la porte à la réflexion. Cela dit, intégrer ce que vous proposez au texte examiné aujourd’hui, en prévoyant quasiment la mise en œuvre, pour reprendre les termes souvent employés, d’un tel changement de système reviendrait tout simplement à fragiliser la réforme que nous examinons, à la rendre moins compréhensible des Français, alors qu’un sujet aussi compliqué et aussi sensible – chacun se dit : « ma retraite », « la retraite de mes enfants » – nécessite beaucoup de pédagogie. Il importe hautement de pouvoir répondre clairement aux questions posées, sans compliquer les choses, en envisageant la possibilité d’autres systèmes. Si nous le faisions, nous inspirerions davantage d’inquiétude que de confiance.

Cela dit, nous – le Conseil d’orientation des retraites, le comité de pilotage, le Gouvernement, le Parlement – devons évidemment continuer à réfléchir à ce sujet, indépendamment de ce texte.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je ne comprends pas très bien la réponse de M. le rapporteur et M. le ministre à ces amendements.

Il ne s’agit pourtant pas, si j’ai bien compris, de choisir un nouveau système, il s’agit seulement de faire en sorte qu’un rapport soit remis au Parlement. Ce n’est tout de même pas un acte politique d’une force et d’une portée extraordinaires ! Le Gouvernement a d’ailleurs lui-même déposé un amendement tendant à faire en sorte de remettre lui-même un rapport, nouveauté qu’un collègue a justement relevée.

Il ne s’agit pas de prendre parti par avance en faveur d’une certaine réforme des retraites, d’un certain régime, le régime par points ou par comptes notionnels. Pour ma part, je ne m’adonne pas à l’idolâtrie de la Suède, qui, paraît-il, était à une certaine époque le modèle de certains. Je constate simplement qu’une telle réforme y a été menée et, c’est indéniable, qu’elle a donné des résultats.

Comme je ne manque jamais de le redire, je pense que chaque pays doit trouver sa propre voie, son nouveau système, fondé sur un nouveau compromis. Je crois effectivement que c’est indispensable pour refonder le pacte de solidarité intergénérationnel, car c’est de cela qu’il s’agit. À défaut, nous nous bornons à des replâtrages successifs du système actuel, qui maintiennent jusqu’à ses inégalités.

Je ne crois pas que le régime par points ou par comptes notionnels soit une recette miracle : des questions de financement se poseront toujours. Je crois en revanche utile de progresser sur la voie de la clarté, de la transparence, de l’universalité et, non pas de l’équité – terme employé par un collègue – mais de l’égalité de traitement entre tous les Français, qu’ils soient salariés ou non, qu’ils travaillent dans le secteur public ou dans le secteur privé.

Mme Marie-Christine Dalloz. Oh, cela va faire des dégâts !

M. François de Rugy. Il s’agit de trouver un système qui permette enfin de prendre en compte de façon honnête la pénibilité, non de la manière – particulièrement choquante – dont vous, Gouvernement et majorité, l’envisagez au travers de l’incapacité. Un système par points ou par comptes notionnels faciliterait effectivement la mise en œuvre de bonifications de nature à permettre une telle prise en compte et, également, à régler la question des polypensionnés.

J’estime donc qu’il serait intéressant de montrer que nous nous préparons non à des replâtrages mais à une évolution systémique, qu’il ne s’agit pas d’une question de droite ou de gauche, mais d’une question à propos de laquelle des sensibilités diverses existent dans toutes les familles politiques et parmi les forces syndicales. Par exemple, la CFDT défend l’idée d’une telle évolution, au contraire d’autres syndicats ; il serait intéressant d’en discuter avec eux.

Sur la forme, un amendement prévoyant le simple dépôt d’un rapport avant 2012 me paraît pertinent. Le débat s’en trouverait éclairé avant le choix majeur d’une majorité ou d’une autre, d’une alternance ou non par les Français. Ainsi le Parlement ferait-il œuvre utile. Il ne s’agit pas de préjuger d’une évolution ou d’une autre, il s’agit simplement de permettre des avancées dans le débat, dans la démocratie sociale et politique.

Ce n’est pas votre choix, et je ne suis malheureusement pas étonné, monsieur le ministre du travail, de votre avis défavorable. C’est cependant bien dommage, puisque la refondation d’un système suppose des données partagées et une négociation entre tous les acteurs.

M. le président. La parole est à M. François Bayrou.

M. François Bayrou. Comme François de Rugy vient très justement de le rappeler – ce serait drôle si ce n’était un peu triste –, nous avons tout à l’heure débattu d’un amendement déposé par le Gouvernement par lequel celui-ci se demandait à lui-même de faire un rapport devant la représentation nationale !

Cette fois, il s’agit de tout autre chose, il s’agit d’une évolution dont tout le monde, ou du moins une part importante de tous les courants démocratiques du pays, pressent qu’elle est nécessaire. On aura d’ailleurs noté, après avoir entendu Jean-Luc Préel, Daniel Garrigue et moi-même, des changements très importants chez des personnalités et des observateurs qui, jusqu’à présent, n’étaient pas du tout acquis à cette idée.

À mes yeux, pareille réflexion s’impose de surcroît au motif que, si l’on fait le choix d’une telle réforme, touchant à l’architecture du système, l’unifiant et le rendant plus équilibré et plus juste, sa mise en œuvre nécessite non pas un big bang mais une transition longue. Tel fut le cas en Suède, où la transition fut de dix ou douze ans.

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Quinze ans !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Dix à quinze ans, effectivement !

M. François Bayrou. Cela a également été le cas en Italie, où la transition a duré trente-sept ans. Tout le monde sait donc que cela prend du temps.

Par conséquent, le moins que l’on puisse faire est d’avoir l’extraordinaire audace d’envisager qu’un rapport soit présenté à la représentation nationale d’ici à un an. Cela ne devrait tout de même pas bouleverser les sentiments de ceux qui siègent sur ces bancs. Tout le monde sait que l’on devra s’acheminer vers cela ou, du moins, que la question se pose, et que cela demande une transition. Osons, au minimum, demander un rapport !

Je voudrais donc que le rapporteur et le Gouvernement envisagent d’accepter courageusement que nous réfléchissions à une solution dont tout le monde, sur tous les bancs, pressent qu’elle sera nécessaire.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Je voudrais répondre tant à François de Rugy qu’à François Bayrou.

Il est parfaitement clair qu’un long moment de réflexion est nécessaire avant la mise en œuvre, dans un délai se comptant forcément en années, d’une réforme systémique. Personne ne peut contester – je ne le fais d’ailleurs pas, car ce ne serait pas conforme à mon point de vue – l’intérêt qu’il peut y avoir à anticiper les choses et à disposer d’un rapport.

Je formulerai cependant deux remarques.

Tout d’abord, il n’est pas forcément très cohérent d’introduire dans un texte de pérennisation de l’actuel système de retraite,…

M. François de Rugy. De replâtrage !

M. Georges Tron, secrétaire d’État. …avec les difficultés que l’on connaît et quelles que soient nos opinions sur la réforme, un dispositif d’une autre nature que le système dans lequel nous nous situons.

M. François Bayrou. C’est une blague !

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Je vais donc vous faire une seconde blague, monsieur Bayrou, pour que vous puissiez rire encore.

Puisque vous parliez de la saisine du Gouvernement par le Gouvernement, je vous suggère de saisir – c’est une pratique très courante à laquelle j’ai moi-même recouru plusieurs fois – soit la MECSS, soit, plus généralement, la commission des affaires sociales, et de commencer à travailler, au sein du Parlement, à une telle réforme. Toute une série de réformes ont d’ailleurs été mises en place à la suite de rapports émis par la MEC en commission des finances ou la MECSS en commission des affaires sociales. Non seulement cela permettrait d’éviter le problème que je viens d’évoquer mais, en outre, cela offrirait une base de travail au Parlement.

M. Christian Paul. Vous êtes un donneur de leçons !

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Beaucoup de Français aspirent à une plus grande maîtrise de leur parcours d’activité. C’est vrai en matière de formation et d’emploi, c’est également vrai en matière de protection sociale, notamment de retraite. On le constate avec les difficultés rencontrées au moment de liquider leur retraite par ceux qui sont passés par plusieurs régimes différents, ou lors du passage d’un régime à l’autre au cours d’un parcours professionnel. Il me semble que, même si nous n’allons pas jusqu’à une réforme systémique, poursuivre des études sur les concepts de retraite par points ou par comptes notionnels pourra nous aider considérablement à trouver des solutions et des passerelles appropriées. Refuser de telles études qui ne remettent pas en cause l’objet fondamental du projet de loi serait, au contraire, à mon avis, une erreur.

M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste.

M. Christian Vanneste. Ce débat est extrêmement éclairant. Il fait effectivement apparaître une vérité : il n’y a qu’un seul projet, celui du Gouvernement, qui répond à un problème, celui de la crise, comme l’a justement dit le ministre. La loi de 2003 était une loi à plus long terme, dont les effets prévus se sont précipités en raison de la crise, d’où l’actuel projet de loi, qui présente un caractère conjoncturel.

Face à ce projet, on ne trouve qu’un certain nombre de propositions suicidaires, notamment l’augmentation des prélèvements obligatoires. Or pourquoi rencontrons-nous des problèmes, sinon à cause du chômage ? Si nous perdons en compétitivité, nous ne ferons qu’aggraver le chômage, et nous serons encore plus loin de résoudre le problème des retraites. Écartons donc très rapidement les solutions prônées par le parti socialiste, qui sont évidemment des cache-misère.

Le véritable problème est aujourd’hui celui des ouvriers. Vous, socialistes, avez déjà assassiné à deux reprises le monde ouvrier : vous l’avez fait en 1981, vous avez récidivé en 1997, avec les 35 heures.

M. Christian Paul. Ce discours n’a pas pris à Tourcoing !

M. François de Rugy. Qu’avez-vous fait contre les délocalisations depuis huit ans ? Rien !

M. Christian Vanneste. Si nous voulons sauver l’industrie et le monde ouvrier, auquel je suis très attaché (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), il faut résoudre le problème conjoncturel, tout en sachant que nous devrons nous revoir. À ce propos, je ne suis pas d’accord avec vous, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État.

Bien évidemment, il faut être clair vis-à-vis de la population.

M. Jean Mallot. Ah, vous êtes clair, vous !

M. Christian Vanneste. Nous prenons aujourd’hui des mesures appelées à être corrigées à terme. Il faut le dire : nous prenons des dispositions aujourd’hui indispensables mais qui devront un jour être revues.

C’est là qu’intervient l’excellente idée du compte notionnel, à laquelle il faut songer dès à présent. L’exercice du compte notionnel à la suédoise…

M. Roland Muzeau. …est une catastrophe !

M. Christian Vanneste. …repose sur une double liberté : celle du cotisant futur retraité, qui pourra choisir le moment de son départ en retraite ; celle de la collectivité, qui ne peut distribuer de l’argent virtuel, qui ne peut distribuer de l’argent qu’en fonction de la réalité économique. Or le système suédois tient compte à la fois de la situation personnelle et de la situation de la collectivité, qui permet ou non d’assurer les retraites d’une génération.

Autrement dit, aujourd’hui, nous faisons un choix indispensable mais, demain, nous ferons un choix qui pourra, lui, être définitif.

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. Je suis consterné par les propos que je viens d’entendre.

M. Jean Mallot. Même l’UMP est consternée !

M. Patrick Roy. Certes, monsieur Vanneste, je ne suis pas surpris, car je connais vos positions. Mais de là à entendre un parlementaire dire que la gauche a assassiné le monde ouvrier !

M. Christian Vanneste. C’est pourtant vrai ! Qu’avez-vous fait ? Il n’y a plus d’usines !

M. Patrick Roy. Un peu de décence ! On connaît vos choix politiques ! Vous privilégiez uniquement les riches, voire les très riches. Vous êtes d’accord lorsqu’il s’agit de rembourser 30 millions à Mme Bettencourt, alors que, partout en France, des millions de Français, que vous ignorez, eux, ont faim et froid !

Votre camp ne veut que protéger les riches, et ce projet en est la preuve. Laissez donc à la gauche le soin de réparer les injustices que vous créez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Valérie Rosso-Debord et M. Paul Jeanneteau. Avec Ségolène Royal !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. S’agissant des comptes notionnels, je reconnais la force des arguments. Mais, au cours des trente-deux auditions auxquelles nous avons procédé, j’ai été très surpris de constater les nombreuses réserves des organisations que nous avons écoutées.

Toutefois, je reprends les suggestions qui ont été faites et je crois que la MECSS peut fort bien étudier ce que pourraient être, pour l’avenir et la jeune génération, les comptes notionnels. Cela aurait le mérite de répondre à un souci de justice.

M. François Bayrou. Très bien !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Cher François Bayrou, la commission des affaires sociales va se saisir de la question. Cela étant, j’ai assisté à toutes les auditions et j’ai été très surpris de constater les réserves, que je ne partageais pas, des organisations.

En ce qui concerne les ouvriers, je ne doute pas de votre sincérité à tous. Mais si les intentions comptent, les résultats aussi. Or à observer ceux des cinquante dernières années pour savoir qui a apporté le plus aux ouvriers dans la société française, il y a, d’un côté comme de l’autre, beaucoup de leçons à tirer ! Si une catégorie, un secteur ou un parti prétend qu’il a, mieux que les autres, défendu les ouvriers,…

Mme Marie-Jo Zimmermann. C’est fatigant !

M. François de Rugy. La retraite à 62 ans, c’est un mauvais coup !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. …je lui recommande la modestie. Dans ce cas, je serais prêt à un débat sur le modèle social.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Absolument !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Quant à la retraite à 60 ans, je constate qu’il a tout de même fallu attendre 2003 et la réforme de François Fillon pour faire en sorte que les ouvriers, qui travaillaient quarante-quatre ou quarante-cinq ans, puissent partir.

M. Roland Muzeau. C’est la seule bonne chose !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Je vous remercie, monsieur Muzeau, de le reconnaître !

Mme Marie-Jo Zimmermann. C’est une disposition très importante !

M. Roland Muzeau. Nous avions déposé une proposition de loi qui a été rejetée !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. C’est en effet un élément extrêmement important. C’est pourquoi j’estime que les ouvriers n’ont pas, dans la société française, la place qu’ils devraient avoir. Lorsque je vois aujourd’hui à quel point il est difficile d’orienter des jeunes vers l’industrie, j’estime qu’un débat de fond serait loin d’être caricatural. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Il est bon que soit dit publiquement dans cet hémicycle que beaucoup de partisans d’un changement de système de retraite s’agitent, écrivent, publient, militent pour qu’il en soit ainsi et que l’on en finisse avec le système de retraite par répartition solidaire et intergénérationnel, ce que n’est pas le système des comptes notionnels. Le président Méhaignerie a eu raison de rappeler que, lors des auditions, si certains faisaient preuve de scepticisme, d’autres donnaient des arguments forts sur les dangers d’un tel système.

Nombre d’entre vous ont évoqué le cas de la Suède. Si l’État suédois n’était pas massivement intervenu en injectant beaucoup d’argent en 2008, dès le début de la crise, puis en 2009, les retraités suédois auraient tous été ruinés. La situation qui prévaut dans d’autres pays anglo-saxons où existent des systèmes analogues a toujours conduit aux mêmes difficultés. J’imagine, bien sûr, que ce n’est pas ce que souhaitent ceux qui viennent de s’exprimer. Cela étant, le danger sera celui-ci et les risques seront ceux-là.

M. Marc Dolez. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François Bayrou.

M. François Bayrou. Il y a du vrai dans ce que vient de dire M. Muzeau. Il y a des inconvénients potentiels du système par comptes notionnels. Ces inconvénients sont corrigeables et ils l’ont été dans certains pays. C’est pourquoi j’ai moi-même écrit dans mon amendement que ce régime devait être « fondé sur le principe de répartition » et je suis prêt à accepter un sous-amendement ajoutant qu’il doit être « solidaire et intergénérationnel ».

Pour répondre à Pierre Méhaignerie, une chose est de dire que le Parlement présentera un rapport, une autre est d’entendre l’exécutif, dans sa responsabilité, sur l’idée qu’il se fait de l’évolution de l’architecture de notre système de retraites. C’est pourquoi, bien que le Gouvernement et la commission y soient défavorables, nous souhaitons ardemment avoir un rapport sur ce sujet avant un an. Cela n’empêche pas que la MECSS fasse elle-même son propre choix ou mène sa propre réflexion. Mais la réflexion menée par l’exécutif, en sortant des généralités, est essentielle pour la représentation nationale.

(L’amendement n° 53 n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 166 rectifié n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 705 n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 492 n’est pas adopté.)