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11/10/2007

Démocraties

Tout le monde connaît le mot de Churchill : "La démocratie est le pire des régimes, à l'exception de tous les autres..." En tout cas, si on ne le connaissait pas, on le fait volontiers sien. Il nous parait si juste et profond qu'il nous semble indépassable. Et nous en serions presque amusés de résignation...

Tant et si bien que l'on finit par ne plus émettre la moindre critique à l'égard de la démocratie, qu'il nous semble vain d'en étudier les mécanismes et les paradoxes, "puisqu'il n'y en a pas de meilleur". Ainsi, nous procédons aux votes, fêtons la victoire, acceptons la défaite, et le pouvoir passe de mains en mains, sans sanglantes révolutions.

C'est là, une grande qualité du processus démocratique. Plus de sanglantes révolutions. Mais, il y a aussi des paix sanglantes ou de larmes, au moins.

e807f2f736b5ff1057d71bbbc7d4637a.jpgCar il y a un autre mot, de Benjamin Franklin celui-là, qui dit : "la démocratie, c'est : deux loups et un agneau qui votent pour savoir ce qu'il vont manger au dîner", et qui n'apparaît pas moins vrai. C'est "La tyrannie de la majorité" de Tocqueville (1835). Et c'est, bien avant, le droit de "résistance à l'oppression" de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, droit qui disparaîtra dans la déclaration de 1795, où l'inspiration libérale de John Locke laissera place à la conception républicaine "rousseauiste" de la volonté générale "qui ne peut errer" et donc à laquelle on ne peut légitimement se soustraire.

75da700f2454204e4508a535992f2850.jpgC'est bien le "Législateur" de J.J. Rousseau, issu de la volonté générale, en fait majoritaire, du Peuple souverain, qui agit dans l'intérêt général du même peuple souverain, au nom de tout le peuple souverain.

Ainsi naît un puissant clivage entre les conceptions libérales et républicaines de la démocratie.

Où l'une proclame les droits individuels au dessus de la volonté générale, l'autre proclame cette dernière infaillible. Où l'une s'accommode d'une monarchie constitutionnelle, l'autre contient les prémisses du socialisme (au sens de la doctrine).

Depuis lors, en France, nous croyons en cette conception républicaine. En tout cas, nous voulons y croire. Nicolas Sarkozy est bien le président de tous les français. Il le dit. C'est écrit dans la Constitution. Le gouvernement travaille à l'intérêt général. Pas comme nous l'aurions fait, certes, mais nous voulons le croire. François Mitterrand, en son temps, les gouvernements de gauche, pareil...

Qui oserait penser que la majorité ne pourrait éventuellement gouverner que dans l'intérêt de la majorité ? Qui irait même soupçonner certains de fabriquer des majorités, à coups et coûts de "privilèges" pour conquérir ou conserver le pouvoir ? Serait-ce bien encore cela, la démocratie ?

Je m'égare.

On récapitule. Les deux avantages indiscutables de la démocratie : remise en cause pacifiée des gouvernements et protection efficace de la majorité contre une oppression par une minorité. Inconvénient : quid de la protection de la minorité contre une oppression par la majorité ?

En fait, la conception libérale de la démocratie répond ou s'efforce de répondre à cette limite par une double approche : au delà du principe majoritaire, d'une part la recherche du principe d'unanimité, et d'autre part le cloisonnement du champ démocratique (qui vote sur quoi ?). Autrement dit, la recherche d'unanimité (pas facile), des gens concernés et pas des autres (déjà plus envisageable).

En plus clair encore, la recherche du consensus entre les acteurs de la société civile, et la limitation des prérogatives d'un Etat central omnipotent. Donc, une responsabilisation des citoyens. Sachant que moins d'Etat ne signifie pas "pas de règles" ou "pas d’Etat", mais "ce n'est pas forcément à l'Etat de définir la règle", "l'Etat n'est pas nécessairement, ou par essence, compétent pour définir la règle". Par contre l’Etat est "garant de l’application de la règle".

Ainsi, le pouvoir est rendu aux citoyens dans une démocratie différente et grandement dépolitisée. Plus démocratique, car les majorités sont multiples et variées à de plus nombreux échelons de décision, ce qui fait que les minoritaires ne sont pas les mêmes partout. Ceci invitant naturellement à plus de pragmatisme que la tutelle d'un Etat tout puissant. Un Etat UMP ou un Etat PS, c’est beaucoup moins grave quand l’Etat n’est pas tout et ne décide pas de tout pour tout le monde.

Caractéristiques des sociétés libérales anglo-saxonnes et scandinaves, c'est aussi le projet d'espoir de François Bayrou, dans la lettre même.

Commentaires

"Nicolas Sarkozy est bien le président de tous les Français. Il le dit. C'est écrit dans la Constitution."

Sauf qu'il est le premier président de la Vème République à réunir auprès de lui toutes les semaines les 7 leaders de son parti, l'UMP, qu'il les invite tout le temps à discuter et qu'il leur donne des consignes de vote, parfois en tête à tête avec les plus résistants à ses voeux.

Est-il en cela au-dessus des partis partisans ?

Non, absolument pas. Il ne se place pas en position de "Président de TOUS les Français, mais il l'est bien d'un "clan" comme l'a si bien décrit F. Bayrou récemment dans Le Figaro.

"Plus démocratique, car les majorités sont multiples et variées à de plus nombreux échelons de décision, ce qui fait que les minoritaires ne sont pas les mêmes partout."

Sauf que l'on ne connaît pas cela en France depuis des décennies, c'est pourtant le cas partout en Europe, et particulièrement en Allemagne où je vis.

Le terme "alternance" est même intraduisible dans d'autres langues, car il ne serait pas compris. En France il désigne ce mouvement unique du balancier entre la gauche et la droite, soit l'un soit l'autre est au pouvoir, comme si rien d'autre n'était possible...

Et les institutions actuelles - ou celles que l'on veut nous vendre - fixe bien cette "monarchie élective" et toute sa cour.

Nous sommes bien loin d'une démocratie en France, avec un réel partage des pouvoirs.

Écrit par : Danièle Douet | 16/07/2008

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