Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

29/09/2007

Logiques invisibles

On est homme, parce que l'on est soi et non parce que l'on est hors de soi. C'est l'homme qui fait la société et non la société qui fait l'homme. La clef de la personne se trouve là. Celle de son exil et de sa servitude aussi.

61f8c879630d3c381e5118f0aed69810.jpgL'Histoire le vérifie. Jetons un coup d'oeil sur celle-ci. Les intuitions de Rousseau et de Dostoïevski sont éclairantes.

La culture occidentale a vécu au rythme de la mort et non de la vie, puisque celle-ci se reconnaît dans deux grandes morts. La mort de Dieu et celle de l'Homme, ces deux morts caractérisant l'époque démocratique qui est la nôtre. Nous ne sommes pas simplement à l'époque de la mort de Dieu, annoncée par l'Insensé de Nietzsche dans Le Gai Savoir. Nous sommes aussi à celle de la "mort de l'Homme", annoncée par Michel Foucault.

La mort de Dieu a commencé quand le christianisme est devenu une religion d'État, à la chute de l'Empire romain, avec Théodose. Un "totalitarisme chrétien" s'est mis en place. Le Dieu mystique a été remplacé par le Dieu politique. Il est devenu extérieur et non plus intérieur. L'Etat s'est servi de lui pour faire la police, gendarmer la société en le politisant. Il en a fait une figure rationnelle et juridique, dont la présence est encore prégnante. Que de chrétiens ignorent encore le Dieu intérieur, que l'on découvre dans la liberté, leur attention étant toute tournée vers le Dieu social et moral.

On comprend dans ces conditions pourquoi la culture a connu la "mort de Dieu", à savoir la seconde mort de Dieu consistant à remplacer le Dieu politique par la religion de l'Homme. Celle-ci ayant soif d’intériorité, elle s’est tournée vers l’Homme plutôt que vers Dieu, espérant y trouver la liberté qu'elle cherchait, sans parvenir à la rencontrer. Témoin, le premier humanisme de la Renaissance, qui a été, on l'oublie trop, un humanisme mystique.

Moment bref. Il est arrivé à l'humanisme ce qui est arrivé à la religion. L'humanisme mystique a été remplacé par l'humanisme politique, tout comme le Dieu mystique a été remplacé par le Dieu politique. La seconde mort de Dieu a ainsi coïncidé avec la première mort de l'Homme.

La religion de l'Homme, au lieu d'ouvrir sur l'intériorité, a engendré le culte de l'Homme extérieur. Témoins les grandes religions politiques issues de l'Homme. La République, le Socialisme et le Communisme, le Nazisme. Si, bien évidemment, celles-ci ne se confondent point, elles ont néanmoins un trait en commun. Toutes se sont réclamées de l'Homme. Toutes ont agi pour l’Homme, en mettant en oeuvre une politique.

La religion de l'Homme débouchant sur le totalitarisme, celle-ci a connu le même sort que la religion du Dieu politique. Elle a été bousculée par la seconde mort de l'Homme. Celle que nous vivons aujourd'hui, avec l'avènement de l'individu contre l'Homme, de la Démocratie contre la République, de l'homme sans référence, sans religion de Dieu ou de l'Homme.

Moment singulier. Crépuscule des idoles, mais aussi explosion d'un sacré sauvage, voire barbare. Du fait de la "table rase" effectuée, tout est possible. Tout a du mal à l'être, en même temps, du fait d'un individualisme nihiliste prisonnier de la violence de l'ego. D'où la violence contre Dieu et la schizophrénie d'une telle violence. On veut que Dieu ne soit pas, pour être soi. Mais on voudrait bien qu'il soit quand même un peu, afin de pouvoir lui reprocher l'état du monde.

Dire non à Dieu n'est pas difficile. Dire oui au tragique et à l'absurde est une autre affaire.

11:50 Publié dans Philosophie, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : religion, dieu, democratie, humanisme, mort, homme, totalitarisme | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

13/09/2007

"Le Grand Récit"

Je recommande à tous la lecture du "Grand Récit", une suite de quatre ouvrages de Michel Serres, académicien, philosophe et historien des sciences, intitulés Hominescence, L'Incandescent, Rameaux et Récits d'Humanisme.

 

A la fois profond et accessible, cet essai nous permet de réenvisager de façon complètement neuve l’être humain du XXIe siècle que nous sommes et son avenir.

"Quoi de neuf ? Que retenir du siècle qui nous précède ? Réponses : la mort, notre corps, l’agriculture, les réseaux de communication… Dans un aveuglement qui m’étonne, nous vivons, en effet, aujourd’hui, un moment précis, léger certes mais décisif, parmi le processus qui fit de nous les hommes que nous sommes et fera de nous des hommes à construire et à définir. En cet instant même, nous bifurquons, nous entamons un segment nouveau de notre évolution. Inquiétante pour certains, cette aube en enthousiasme d’autres, car il s’agit d’un projet qui infléchit notre plus grand récit : comment et en qui nous transformer nous-mêmes ?" Michel Serres

 

Après avoir successivement étudié la communication, le corps humain et ses sens, l’instruction, les grands bouleversements de notre époque et nos rapports avec le monde, Michel Serres aborde enfin la définition même de l’homme. Ce livre, particulièrement important dans son œuvre, nous permet de mieux comprendre notre passé, notre présent et de réfléchir à l’avenir que nous choisirons. Qu’est-ce que l’homme ? Laissant toute différence qui le logerait dans une niche spécifique comme les autres vivants, il se déspécialise et devient incandescent, comme un feu transparent où miroitent toutes les couleurs. La flamme qui en émane pourra-t-elle un jour brûler nos maux ?

 

À quoi reconnaître une authentique nouveauté ? Comment décrire une naissance ? Qu’est-ce qu’un événement ? Comment sort-il du quotidien ? Y a-t-il quelque chose de commun entre l’émergence d’une idée et l’apparition d’une espèce ? Comment l’histoire humaine bifurque-t-elle ? Comme le rameau s’élance de la tige, la nouveauté émerge du "format". Et de la philosophie "père", celle des dogmes et des lois, jaillit la philosophie "fils", celle du faible et de l’inventif, de celui qui prend des risques. Rameaux nous propose une nouvelle lecture de l’histoire de la pensée en prenant soin de ne jamais distinguer entre sciences, cultures, arts et religions. Cette nouvelle grille de lecture nous aide à envisager notre époque inquiétante, à mieux comprendre la richesse de la nouveauté en marche, celle avec laquelle nous allons construire notre nouveau monde.

 

Michel Serres raconte… Il raconte ce Grand Récit que nous offre la science, et qui mène du big-bang à chacun d’entre nous… il raconte notre Histoire et sa fin, il raconte nos sociétés, nos évolutions et l‘émergence d’un homme nouveau… Il nous invite ainsi à la découverte de ces mille et uns conteurs, à l’apprentissage de leur écoute et de la nôtre, à l’apprentissage de la langue de ces mille récits et de la nôtre. Il nous invite à le suivre, à travers les mille chemins d’une navigation dont il possède les cartes et les portulans, à travers les mille lumières de l’intelligence qu’il nous fait partager. Ou comment l’un des rares philosophes contemporains à enrichir sa vision du monde d’une connaissance des humanités et des sciences, ose proposer un nouvel humanisme qui célèbre les noces des contes et du savoir.